Roxanne Dubois est militante syndicale, franco-ontarienne, et auteure à ses heures. Basée à Toronto, elle passe le plus clair de son temps à mobiliser, sensibiliser et engager les jeunes et les travailleurs de l’économie précaire. Elle griffonne des histoires sous forme de pièces et nouvelles et continue de croire à un monde meilleur.
Été 1946 : 3 000 employés de l’industrie textile au Québec mènent une grève. L’essor d’après-guerre bat son plein et les femmes travaillent en grand nombre dans les usines. Mais les profits de la compagnie montent en flèche et les travailleurs écopent. La grève de 100 jours se termine par une victoire : la signature d’une convention collective menée à terme par Madeleine Parent.
Madeleine Parent passe des années à mobiliser une communauté en qui personne n’avait espoir. Après tout, l’industrie textile employait des femmes en quête d’argent de poche pour leurs dépenses frivoles. Elles gagnaient un salaire secondaire pour les ménages, et méritaient des conditions de travail médiocres.
Madeleine trouve dans les gens du textile son terrain de lutte. Féministe, militante, visionnaire, engagée, elle reste étonnamment méconnue dans l’esprit collectif canadien. Issue de la classe moyenne québécoise, son action militante a élevé des milliers de travailleuses et leur a permis de définir ensemble les termes de leur vie. Sur sa route se dresseront tour à tour les forces du marché, la misogynie, Duplessis et les géants du syndicalisme américain. Madeleine persiste et maintient la première ligne de défense face à l’exploitation des gens ordinaires. Elle fait fondre les barrières imposées par le mercantilisme et alimente le pouvoir citoyen qui résulte d’un rapprochement entre individus.
Cent ans après sa naissance, à quoi ressemble la lutte des classes? Les usines de tissu se sont déracinées des villages québécois pour se relocaliser à l’étranger. Le secteur manufacturier traîne de la patte. Mais encore, les patrons s’enrichissent et les travailleurs peinent à joindre les deux bouts. Les choses ont-elles vraiment changé?
C’est la question que se posent deux amies qui parcourent le chemin entre Toronto et Gaspé en voiture. Elles se lisent à voix haute des extraits de l’ouvrage Madeleine Parent, militante d’Andrée Lévesque. En suivant la route du Lac Ontario au fleuve Saint-Laurent, la pièce trace le parallèle entre la lutte ouvrière des années 40 et celle d’aujourd’hui. Madeleine : une pièce bilingue où sont juxtaposés des tableaux de l’industrie textile et des scènes du monde du travail actuel. Que peut nous apprendre Madeleine Parent sur la force de l’unité au-delà des frontières géographiques imposées? Sur le choix d’une vie radicale et révolutionnaire?
Les anecdotes de sa vie alimentent une réflexion sur les lignes de faille modernes. Le contexte d’aujourd’hui nous pousse à croire que les travailleurs du Canada sont condamnés à travailler à contrat, à la pige, et dans des conditions précaires. La promesse d’une vie prospère est menacée en raison de l’automatisation et de l’arrivée annoncée des robots. Au-delà des scénarios de peur, les gens ordinaires doivent encore se donner les moyens de rêver. À quoi ressemble l’espoir d’un monde juste et équitable pour toutes et tous? Madeleine en a une petite idée.